Poésies
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The blacksmith, neither clean nor gentle, punctuated his fierce and drunken speech with an iron hammer, leering derisively, as he laughed at Louis the Sixteenth, effeminate and fat. Louis’s gold and gilded mirrors were no help. He was as pitiful as a beaten dog. “Sir, we forged the plows and plowed the land, sweating and singing under the hot sun. You sent our your bastards, preening like peacocks, to fill your palace with the smell of our girls, and extort our pennies to gild your Louvre. You rewarded your fawning minions; your gold went to factory owners with chains, landowners with whips. They urged us to work harder, to work into the night, to lighten their black hearts, so we tried with all our might, while they went to our homes and took away our children. “We were so stupid. We were pleased to build the grand bridges and raise the towers. We took delight in the bountiful harvests, the smell of grain, rich earth, comforting bread and beer. We’d stand around our stoves burning cow dung, and sing of fairies and ogres, palaces and princes. It turns out that the princes were actually ogres and that the whole thing was only a fairy tale. “Our grandfathers built the Bastille in the reign of Louis the Fifth, but you used it as a place to punish our fathers because they loved France more than you. You covered every stone with our blood, so we pulled down its leprous walls with our oxen and horses, and destroyed the dark shadow of the past. Drunk with hope, we proclaimed our strength and love. “Violence breeds violence like rats in a granary. Crowds swarmed before the doors of the rich, with howls, hammers, and iron pikes. Your agents infiltrated us and incited hatreds for petty inequalities among honest workers who were only trying to divide up the harvest. We were not immune from the disease of greed that had already rotted the hearts of the bourgeois.” The blacksmith took the sweating king by the arm, tore the velvet curtains from a window, and showed him the terrible crowd that howled below like the sea of bleeding rags. “Sir, that mob is full of scoundrels like me who think they’ll find bread in your gardens! Their sons and daughters were taken from them. The women are crying; the men are howling. All their lives, they were chained up like mad dogs, and, now they are free, nobody feeds them. They’re hungry, angry, dirty, and damned. “These are the men whom you’ve treated like pigs. These are the mongrels whom you’ve trained to be greedy and cruel, like your bourgeois. They are desperate now, but they have hopes. They hope that some day their work will build strength, and strength bring dignity, and dignity devotion, and devotion pride, and pride happiness. They hope for a France in which free men don’t need to bow and cower to survive. “Not now. Now the air is full of smoke. We are scoundrels, a terrible rabble, full of desperate hoarders and informers. We are free, but we are filled with terror. We pull your cannons over cobblestones and prop them up before your walls to give us courage. The aristocracy from all over France marches their regiments against us, so we might as well dash our own brains on the stones.” With this show of defiance, the blacksmith raised his blackened hand, muscles bulging, as if to strike the fat king, and tossed his red cap on the king’s brow.
Le bras sur un marteau gigantesque, effrayant D’ivresse et de grandeur, le front vaste, riant Comme un clairon d’airain, avec toute sa bouche, Et prenant ce gros-là dans son regard farouche, Le Forgeron parlait à Louis Seize, un jour Que le Peuple était là, se tordant tout autour, Et sur les lambris d’or traînant sa veste sale. Or le bon roi, debout sur son ventre, était pâle, Pâle comme un vaincu qu’on prend pour le gibet, Et, soumis comme un chien, jamais ne regimbait, Car ce maraud de forge aux énormes épaules Lui disait de vieux mots et des choses si drôles, Que cela l’empoignait au front, comme cela! «Or, tu sais bien, Monsieur, nous chantions tra la la Et nous piquions les bœufs vers les sillons des autres: Le Chanoine au soleil filait des patenôtres Sur des chapelets clairs grenés de pièces d’or. Le Seigneur, à cheval, passait, sonnant du cor Et l’un avec la hart, l’autre avec la cravache Nous fouillaient.—Hébétés comme des yeux de vache, Nos yeux ne pleuraient plus; nous allions, nous allions Et quand nous avions mis le pays en sillons, Quand nous avions laissée dans cette terre noire Un peu de notre chair . . . nous avions un pourboire: On nous faisait flamber nos taudis dans la nuit, Nos petits y faisaient un gâteau fort bien cuit. . . . «Oh! je ne me plains pas. Je te dis mes bêtises, C’est entre nous. J’admets que tu me contredises, Or, n’est-ce pas joyeux de voir, au mois de juin Dans les granges entrer des voitures de foin Énormes? De sentir l’odeur de ce qui pousse, Des vergers quand il pleut un peu, de l’herbe rousse? De voir des blés, des blés, des épis pleins de grain, De penser que cela prépare bien du pain . . . Oh! plus fort, on irait, au fourneau qu’il s’allume, Chanter joyeusement en martelant l’enclume, Si l’on était certain de pouvoir prendre un peu, Étant homme, à la fin! de ce que donne Dieu! «Mais voilà, c’est toujours la même vieille histoire! . . . Mais je sais, maintenant! Moi je ne peux plus croire, Quand j’ai deux bonnes mains, mon front et mon marteau Qu’un homme vienne là, dague sur le manteau, Et me dise: Mon gars, ensemence ma terre; Que l’on arrive encor, quand ce serait la guerre, De prendre mon garçon comme cela, chez moi! —Moi, je serais un homme, et toi, tu serais roi, Tu me dirais: Je veux! . . .—Tu vois bien, c’est stupide. Tu crois que j’aime voir ta baraque splendide, Tes officiers dorés, tes mille chenapans, Tes palsembleu bâtards tournant comme des paons: Ils ont rempli ton nid de l’odeur de nos filles Et de petits billets pour nous mettre aux Bastilles Et nous dirons: C’est bien; les pauvres à genoux! Nous dorerons ton Louvre en donnant nos gros sous! Et tu te soûleras, tu feras belle fête. —Et ces Messieurs riront, les reins sur notre tête! «Non. Ces saletés-là datent de nos papas! Oh! Le Peuple n’est plus une putain. Trois pas Et, tous, nous avons mis ta Bastille en poussière. Cette bête suait du sang à chaque pierre Et c’était dégoûtant, la Bastille debout Avec ses murs lépreux qui nous racontaient tout Et, toujours, nous tenaient enfermés dans leur ombre! —Citoyen! citoyen! c’était le passé sombre Qui croulait, qui râlait, quand nous prîmes la tour Nous avions quelque chose au cœur comme l’amour. Nous avions embrassé nos fils sur nos poitrines. Et, comme des chevaux, en soufflant des narines Nous allions, fiers et forts, et ça nous battait là . . . Nous marchions au soleil, front haut; comme cela, Dans Paris! On venait devant nos vestes sales. Enfin! Nous nous sentions Hommes! Nous étions pâles Sire, nous étions soûls de terribles espoirs: Et quand nous fûmes là, devant les donjons noirs, Agitant nos clairons et nos feuilles de chêne, Les piques à la main; nous n’eûmes pas de haine, —Nous nous sentions si forts, nous voulions être doux! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . «Et depuis ce jour-là, nous sommes comme fous! Le tas des ouvriers a monté dans la rue, Et ces maudits s’en vont, foule toujours accrue De sombres revenants, aux portes des richards. Moi, je cours avec eux assommer les mouchards: Et je vais dans Paris, noir, marteau sur l’épaule, Farouche, à chaque coin balayant quelque drôle, Et, si tu me riais au nez, je te tuerais! —Puis, tu peux y compter, tu te feras des frais Avec tes hommes noirs, qui prennent nos requêtes Pour se les renvoyer comme sur des raquettes Et, tout bas, les malins se disent; «Qu’ils sont sots!» Pour mitonner des lois, coller de petits pots Pleins de jolis décrets roses et de droguailles, S’amuser à couper proprement quelques tailles, Puis se boucher le nez quand nous marchons près d’eux —Nos doux représentants qui nous trouvent crasseux! Pour ne rien redouter, rien, que les baïonnettes . . ., C’est très bien. Foin de leur tabatière à sornettes! Nous en avons assez, là, de ces cerveaux plats Et de ces ventres-dieux. Ah! ce sont là les plats Que tu nous sers bourgeois, quand nous sommes féroces Quand nous brisons déjà les sceptres et les crosses! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Il le prend par le bras, arrache le velours Des rideaux, et lui montre en bas les larges cours Où fourmille, où fourmille, où se lève la foule, La foule épouvantable avec des bruits de houle Hurlant comme une chienne, hurlant comme une mer, Avec ses bâtons forts et ses piques de fer, Ses tambours, ses grands cris de halles et de bouges, Tas sombre de haillons saignants de bonnets rouges; L’Homme, par la fenêtre ouverte, montre tout Au roi pâle, et suant qui chancelle debout, Malade à regarder cela! «C’est la crapule, Sire. Ça bave aux murs, ça monte, ça pullule: —Puisqu’ils ne mangent pas, Sire, ce sont des gueux! Je suis un forgeron: ma femme est avec eux, Folle! Elle croit trouver du pain aux Tuileries! —On ne veut pas de nous dans les boulangeries. J’ai trois petits. Je suis crapule.—Je connais Des vieilles qui s’en vont pleurant sous leurs bonnets Parce qu’on leur a pris leur garçon ou leur fille: C’est la crapule.—Un homme était à la Bastille, Un autre était forçat: et, tous deux, citoyens Honnêtes. Libérés, ils sont comme des chiens: On les insulte! Alors, ils ont là quelque chose Qui leur fait mal, allez! C’est terrible, et c’est cause Que, se sentant brisés, que, se sentant damnés, Ils sont là, maintenant, hurlant sous votre nez! Crapule.—Là dedans sont des filles, infâmes Parce que,—vous saviez que c’est faible, les femmes, Messeigneurs de la cour,—que ça veut toujours bien, Vous avez craché sur l’âme, comme rien! Vos belles, aujourd’hui, sont là. C’est la crapule. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . «Oh! tous les malheureux, tous ceux dont le dos brûle Sous le soleil féroce, et qui vont, et qui vont, Qui dans ce travail-là sentent crever leur front. Chapeau bas, mes bourgeois! Oh! ceux-là sont les Hommes! Nous sommes Ouvriers, Sire! Ouvriers! Nous sommes Pour les grands temps nouveaux où l’on voudra savoir, Où l’Homme forgera du matin jusqu’au soir, Chasseur des grands effets, chasseur des grandes causes Ou, lentement vainqueur, il domptera les choses Et montera sur Tout, comme sur un cheval! Oh! splendides lueurs des forges! Plus de mal, Plus!—Ce qu’on ne sait pas, c’est peut-être terrible: Nous saurons!—Nos marteaux en main; passons au crible Tout ce que nous savons: puis, Frères, en avant! Nous faisons quelquefois ce grand rêve émouvant De vivre simplement, ardemment, sans rien dire De mauvais, travaillant sous l’auguste sourire D’une femme qu’on aime avec un noble amour: Et l’on travaillerait fièrement tout le jour, Écoutant le devoir comme un clairon qui sonne: Et l’on se sentirait très heureux: et personne Oh! personne, surtout, ne vous ferait ployer! On aurait un fusil au-dessus du foyer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Oh! mais l’air est tout plein d’une odeur de bataille! Que te disais-je donc? Je suis de la canaille! Il reste des mouchards et des accapareurs. Nous sommes libres, nous! Nous avons des terreurs Où nous nous sentons grands, oh! si grands! Tout à l’heure Je parlais de devoir calme, d’une demeure . . . Regarde donc le ciel!—C’est trop petit pour nous, Nous crèverions de chaud, nous serions à genoux! Regarde donc le ciel!—Je rentre dans la foule Dans la grande canaille effroyable qui roule, Sire, tes vieux canons sur les sales pavés; —Oh! quand nous serons morts, nous les aurons lavés. —Et si, devant nos cris, devant notre vengeance, Les pattes des vieux rois mordorés, sur la France Poussaient leurs régiments en habits de gala, Eh bien, n’est-ce pas, vous tous? Merde à ces chiens-là . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . —Il reprit son marteau sur l’épaule. TAB4La foule Près de cet homme-là se sentait l’âme soûle, Et, dans la grande cour, dans les appartements, Où Paris haletait avec des hurlements, Un frisson secoua l’immense populace. Alors, de sa main large et superbe de crasse Bien que le roi ventru suât, le Forgeron, Terrible, lui jeta le bonnet rouge au front!